Ce que la bouche des poissons révèle de leur alimentation

À l’Aquarium La Rochelle, nous observons chaque jour les habitudes alimentaires de centaines d’espèces. Après nous être interrogés sur ce que chacun devait manger, avec l’aide d’une nutritionniste spécialisée notamment, nous nous sommes penchés sur le pourquoi. Pourquoi une espèce doit manger plus régulièrement qu’une autre ou de manière plus conséquente ?

« Nous avons constaté que l’observation de la morphologie était une bonne piste : chez les animaux marins en effet, la forme de la bouche, la dentition, la taille de l’estomac et même le temps de digestion sont autant d’indices sur le régime alimentaire », indique Guillaume, biologiste à l’Aquarium.

Position de la bouche : un indice précieux

 

 

La position de la bouche en dit long sur la façon dont un poisson se nourrit :

  • Une bouche orientée vers le haut indique une alimentation en surface.
  • Une bouche terminale (centrée) indique une alimentation en zone intermédiaire.
  • Une bouche orientée vers le bas signale un poisson fouilleur, qui se nourrit sur le fond.

Dents de carnivore ou de végétarien ?

 

 

La dentition aussi livre bien des secrets. Chaque forme de dent est adaptée à un régime alimentaire spécifique :

  • Les molaires des daurades royales ou des sars leur permettent de broyer les carapaces des crustacés ou les coquilles des mollusques.
  • Les canines acérées des murènes sont idéales pour saisir et retenir les proies.
  • Les incisives des saupes, plates et coupantes, révèlent un régime herbivore : elles leur permettent de couper les végétaux.

L’estomac : un organe à géométrie variable

 

 

Quand on compare les appareils digestifs des poissons téléostéens (les poissons osseux marins), on observe des formes très différentes :

  • Estomac en Y ou en U : souvent associé à une alimentation de type macrophage (gros aliments, régime carnivore ou omnivore).
  • Estomac en I ou absence d’estomac : les espèces microphages (herbivores, planctonophages, omnivores) mangent de petits aliments en continu.

Environ 20 % des téléostéens marins sont dépourvus d’estomac : c’est le cas, par exemple, des gobies ou des blennies.

Gros estomac, digestion lente

 

 

Le temps de transit alimentaire varie fortement :

  • Macrophages : digestion lente (de 12 à 20 heures).
  • Microphages : digestion rapide (de 1 minute à 10 heures).

Cela a une conséquence directe sur… notre façon de les nourrir à l’Aquarium !

Un nourrissage adapté à chaque type de mangeur

Pour les microphages : la nourriture, c’est en continu !

Certaines espèces doivent manger… toutes les 15 minutes ! Impossible de le faire à la main. Voici nos solutions :

  • Injection automatique de Nauplii d’Artemia : parfait pour les planctonophages comme les athérines, mulets, bécasses de mer, anthias, Heteroconger…
  • Distributeur de Mysis : mis au point pour nos hippocampes, il fonctionne par débordement avec une pompe.
  • Granulés à base d’algues : les Acanthuridae, herbivores, sont nourris de granulés à base d’algues, automatiquement.

Pour les macrophages : du sur-mesure à la pince

Les espèces prédatrices comme l’Aulostomus ou les murènes demandent plus d’attention :

  • Nourrissage ciblé à la pince : chaque individu est identifié, entraîné et nourri à la main.
  • Suivi des prises alimentaires : on vérifie ce que chaque poisson mange.
  • Éviter la concurrence alimentaire : par exemple, les sélènes, trop grandes, ne peuvent pas accéder aux plateformes des murènes. Moins de conflits, plus d’efficacité.

 

Observer pour mieux nourrir

"Observer la morphologie d’un poisson permet de comprendre comment il mange — et donc comment bien le nourrir. Une nécessité, pour garantir le bien-être des animaux marins. C’est cette attention quotidienne, presque invisible pour les visiteurs, qui permet aux équipes de l’Aquarium La Rochelle de respecter au mieux les besoins de chaque espèce", conclut Guillaume.

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