Près d’un an après, que sont devenues les tortues caouannes remises à l’Océan ?

En juillet 2024, lors du retour à l’Océan des tortues marines, nous avons posé des balises microsatellites sur dix tortues caouannes juvéniles, en partenariat avec l’ONG américaine Upwell. Chaque individu portait le nom de scientifiques européens. Pendant plus de 300 jours, les balises des tortues Archimède, Nicolas Copernic et Charles Darwin ont continué à émettre pendant : un record !

Retrouvez notre article sur le retour à l’Océan des jeunes tortues balisées.

Alors que près d’un an plus tard, un nouveau retour à l’Océan se prépare pour les tortues soignées au Centres d’Études et de Soins pour les Tortues Marines (CESTM) de l’Aquarium La Rochelle, prenons le temps de revenir sur certaines observations effectuées après ce premier déploiement, et sur la façon dont celles-ci orienteront nos projets de recherche à venir.

 

Le voyage de la tortue Archimède est très intéressant, car celle-ci n’a pas quitté le golfe de Gascogne même lorsque les températures ont chuté de 12 à 15˚C. Les tortues caouannes sont pourtant sensibles au froid et sujettes à l’hypothermie, notamment lorsque les températures chutent en dessous de 10˚C. Cependant, Archimède est resté dans le sud de la baie, le long de la côte espagnole, où les températures de l’eau sont légèrement plus chaudes et ne descendent pas en dessous de 10˚C, même en hiver.

Illustration : les mouvements d’Archimède transmis au cours des mois de décembre 2024 à mars 2025 sur fond de température moyenne de surface de la mer. Carte réalisée par Tony Candela / Upwell.

Plusieurs rivières se déversent dans le golfe de Gascogne et apportent une grande concentration de nutriments, ce qui favorise le développement de certaines populations, comme les méduses, tout au long de l’année. Archimède a donc probablement eu beaucoup d’occasions de grignoter des proies telles que des méduses, mollusques (palourdes) et crustacés (crabes). Cependant, l’abondance de nourriture s’accompagne hélas d’une multitude de menaces liées à la pêche et au trafic maritime.

Bien qu’il soit impossible de tirer des conclusions en se basant sur le comportement d’une seule tortue, les données fournies par Archimède sont intéressantes pour les chercheurs, qui se demandent si le golfe de Gascogne est un habitat pérenne pour les tortues marines ou s’il s’agit d’un piège écologique.

Les autres tortues de la cohorte ont toutes quitté le golfe pour se diriger vers l’Atlantique. Les balises des tortues prénommées Nicolas Copernic et Darwin continuent d’émettre et montrent qu’elles se déplacent entre le Portugal continental et les Açores. Ce n’est pas la première fois que des tortues balisées sont repérées dans cette zone.

 

Si l’on peut penser qu’elles sont suffisamment éloignées de la terre pour être à l’abri des menaces anthropogéniques (créées par l’homme), ce n’est malheureusement pas le cas. Les habitats pélagiques sont fréquentés par de nombreuses pêcheries ciblant des espèces à haute valeur commerciale telles que le thon et l’espadon, dont les habitats chevauchent souvent ceux des tortues de mer.

La balise de Darwin est équipée d’un capteur de pression qui recueille des données sur son comportement de plongée, en plus de sa localisation. Son comportement est conforme à ce que nous avons observé chez d’autres jeunes caouannes : Darwin reste le plus souvent dans les 5 premiers mètres sous l’océan, mais effectue parfois des plongées plus profondes. Nous espérons que, lorsque nous analyserons ces données plus en détail, nous en apprendrons davantage sur la façon dont ces plongées peuvent être liées à des facteurs environnementaux ou à d’autres comportements de la tortue caouanne.

Alors que les balises de Darwin, Archimède et Nicolas Copernic continuent à transmettre des données, un autre groupe de jeunes tortues caouannes réhabilitées à l’Aquarium de La Rochelle s’apprête à retrouver son milieu naturel, également avec des balises. L’augmentation de la taille des échantillons permet de générer des statistiques plus robustes et de développer des hypothèses plus solides. Nous pouvons ensuite intégrer des ensembles de données environnementales pour examiner les corrélations entre les mouvements horizontaux et verticaux des tortues et les facteurs environnementaux tels que la température de surface de la mer, la productivité ou les concentrations de chlorophylle, la vitesse des courants, la hauteur de la surface de la mer ou la bathymétrie. Les données de suivi et les analyses nous donnent un aperçu rare du temps que les tortues caouannes juvéniles passent à chercher de la nourriture et à grandir (jusqu’à 15 ans) en mer, ce que l’on appelle souvent leurs « années perdues », tant nous manquons d’informations sur cette période de leur vie. Nous utilisons ces informations pour calibrer divers modèles qui peuvent nous aider à prédire l’utilisation de l’habitat des tortues marines ou même les tendances de la population – des modèles qui visent à soutenir des efforts de conservation efficaces et ciblés.

Les prochaines tortues rejoindront-elles Archimède dans la baie ou partiront-elles en haute mer comme les autres ? Nous sommes impatients de le découvrir !

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